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31 mars 2017 5 31 /03 /mars /2017 23:22

Exemple de B.O. : https://www.youtube.com/watch?v=cGUv55GyKvI

 

Le dernier soir, il faut retrouver un taxi. Celui-ci est particulièrement peu aimable, mais il invite quand même son passager à participer au micro de sa compagnie « 2ello bil inglizi : kiss ukhtak akhouz charmouta, 3arifo sawté, anta 2ello bil inglizi, kiss ukhtak akhouz charmouta ». Il avait l'air vraiment mécontent.

 

Burj Hammoud, quartier arménien, toujours le paradis de la "Birkinstock" made in Lebanon.

 

« Mais alors pourquoi tu viens ? » La question a pu être posée avant le décollage, ou pendant ou après je ne me souviens plus. Mais qui n'est pas trop heureux de converser, ceinture attachée et air détaché, avec sa voisine, plutôt que de suer à grosses gouttes lorsque l'avion s'incline pour quitter le sol, durant ses secondes où l'on ne pense qu'au dernier vol du Concorde au XXème siècle ? « Au oui je suppose que pour s'amuser c'est bien... ». Ce n'est pas ce que j'ai dit, mais j'ai compris que la discussion allait tourner court, même si impossible n'est pas Français.

« Tu veux partir au Canada ? Pour étudier ? Pour travailler ? » Quand une dentiste associée trouve son travail routinier à Beyrouth, face au choix entre 3 villes canadiennes, l'Europe pour 10 ans, les mises à niveau pour exercer à nouveau, ce ne sont pas les fours à arc électrique de 100 mégawatts qui vont l'impressionner. Les cocktails Bloody Mary et les séries américaines auront traité ces sujets mieux que votre serviteur, qui dans un élan littéraire égocentrique (je rappelle que sur un blog, vous ne pouvez pas m'arrêter pour signaler les pléonasmes), s'interroge encore sur la question initiale et la pauvre réponse qu'il a dû fournir.

 

La réserve de cèdres de Tannourine, fermée au public et où je m'enfonçais jusqu'aux genoux dans la neige.

 

Que viens-je chercher au juste ? Certainement pas la pluie battante qui m'accompagne de Jbeil à Saïda, sans croire à la neige de Tannourine. Belle leçon après avoir annoncé autour de moi que j'allais prendre le soleil. Une journée entière les pieds trempés, à peiner dans le trafic démentiel, avec les bus et les taxis, à essuyer mes vêtements et la tentative de conversion à l'islam d'un marchand de miel : voilà ce que le sort réserve à ceux qui rêvent de Club Med. Bien fait.

Il faut fuir la grande ville, puis les grands axes. Il faut oublier la boîte automatique, mais pas la sortie du rond-point, sinon c'est direction Chiyah ou Chatila, un autre dépaysement. Ne pas laisser au vide-poches l'instinct d'orientation, l'esprit de déduction et le klaxon. Le naturel revient toujours au galop : je ne suis pas arrivé à Zouk Mikaël à 15km au nord de Beyrouth que déjà je double par la droite.

 

Au « mémorial de la Résistance » du Hezbollah sont exposées notamment des bombes à fragmentations qui auraient été prises à l'armée israélienne.

 

De retour à Beyrouth, je retrouve mon intermédiaire immobilier arménien, l'homme qui début 2010 nous a mis sur la voie de mon appartement du second semestre, devenu depuis une auberge de jeunesse (sans doute notre propension à ajouter des matelas au sol a-t-elle inspiré les voisins du rez-de-chaussée). En tant qu'artisan, il subit la concurrence des réfugiés syriens. En tant qu'agent immobilier, il constate la diminution des séjours d'Européens et de gens du Golfe. Au sujet de la météo, il m'explique un proverbe arménien « il y a toujours 2 hivers, un pour les catholiques, un pour les orthodoxes » : je comprends mieux son contexte économique. Et aussi qu'il ne faut jamais brûler tout son bois avant mars, mais les parallèles s'arrêtent, ma géométrie devient non euclidienne sous les effets du narguilé. Je repars choqué qu'il ait connu Cannes dans les années 1970 (« they put new flowers in gardens at 5 in the morning to have each day the city beautiful ») en tant que danseur folklorique pour un spectacle de Fayrouz. Il demeure heureux que je sois venu m'enquérir de sa santé, lui qui avait à l'époque eu une conjonctivite à cause des poussières de ponçage.

 

J'ai également trouvé un usage au cendrier.

 

Il est temps de retrouver la ville qui fête, déguste, boit et danse, même si en pleine semaine les salariés des organisations internationales n'ont pas toute leur énergie. S'il est un secteur d'activité qui ne connaît pas la crise, c'est peut-être celui-là. C'est une joie de les revoir, et une plus grande encore de les savoir épanouis dans un contexte difficile. Ces administrations ont ici le mérite d'exister. 

Tranquillement, le séjour avance avec une vue imprenable sur la folie du monde. Toujours davantage de gens, venant de Syrie, d'Egypte, d'Inde, d'Ethiopie, des Philippines, ou d'où sais-je encore, conséquences des inégalités et conflits internationaux. Toujours cette présence intense du monde, comme cristallisée ici, dans la nonchalante quiétude requise pour supporter le "rythme" de Beyrouth. Ce séjour pourrait s'apparenter à ces vacances que s'offrent des binationaux et/ou expatriés aisés, distants de leurs proches de quelques heures d'avion seulement. Mais je ne suis pas revenu depuis plus de 5 ans, aucune famille ne m'attendait à l'aéroport pour m'emmener au village. C'est au contraire un premier exercice de patience et de négociation, les chauffeurs n'étant guère impressionnés par ce rouquin certes passablement arabophone mais à l'air hagard. Je reviens découvrir ce que je crois connaître parce que je l'ai déjà vu, sans m'en rappeler grand'chose. Dans un quartier connu, j'habite l'appartement d'un parfait inconnu où les choses me sont familières. Les meubles, les objets, le chauffe-eau que j'ai oublié d'allumer, les lampes laissées volontairement allumées : tout est fonctionnel malgré le décalage d'être étranger, commode malgré l'inconfort.

 

Mon premier investissement immobilier.

 

Le chien s'appelle Cowper. Affectueux labrador qu'il faut prévenir avant de poser la main sur la porte d'entrée, Cowper incarne l'âme du foyer. Cowper est aussi le nom d'un ingénieur britannique qui, au milieu du XIXème siècle, a mis au point un appareil de récupération de la chaleur des gaz de haut-fourneau, permettant de préchauffer l'air qu'on y injecte. Un « cowper » est une tour où le gaz et l'air, successivement, circulent dans des chicanes pavées de réfractaires. Cette alternance de fluides rappelleront à certains les humeurs des êtres humains, et ceux qui n'hésitent pas devant l'anthropomorphisme feront du cowper un des éléments qui rendent le haut-fourneau vivant. Cela, mon sympathique hôte l'ignore peut-être car le haut-fourneau est à Beyrouth ce que le falafel est à Hayange : un besoin criant. Mais tous nous l'avons bien compris, tant l'animal joue un rôle d'authentique médiateur, recevant les émotions de chacun dans le reflet de ses yeux et de sa truffe noirs. Pacifique maître des lieux qui laisse mon hôte ou moi partir en promenade, personnage étonnamment central du séjour, son absence fut un jour de pluie.

 

Une vue dans le Sud du Chouf. Les comédiens les plus habiles verront la mer. 

 

Ou suis-je revenu pour une voix claire, de celles qui nous font rallumer le chevet pour écrire comme à l'adolescence ? C'est lorsque le son des poèmes résonne dans les claquements de portières des autos, que la clameur de la rue s'estompe à la montée d'un escalier. Alors mon ascension croisera sans les heurter des conversations indistinctes des badauds tandis que mes sentiments suivent une pente inverse. Je réapprends et savoure l'apesanteur qui en résulte. Il y a bien de l'inachevé dans chaque voyage, et certainement beaucoup d'inaccompli dans celui-là. Je déambule dans la nuit pluvieuse à la recherche des odeurs d'essence sur la végétation humide qui continuent à me griser. Mais plutôt que les billets et les coursiers, il faut aujourd'hui compter avec les messages téléphoniques pour prendre conscience du charme langoureux. Quand reviendrai-je maintenant ?

 

« Dieu te préserve d'en rire, Wilhelm ! Sont-ce là des fantômes ? Est-ce une illusion que d'être heureux ? »

 

Les neiges de la chaîne du Mont Liban, qui fondent en ce printemps comme mon vieux cœur à la pensée des amis. Bises à tous !

 

P.S. : le premier qui retrouve l'ouvrage comprenant la citation précédente sans recours aux NTIC (cet acronyme n'est-il pas so vintage?) gagne un repas libanais.

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5 septembre 2012 3 05 /09 /septembre /2012 17:26

Puisqu'il faut un début à tout, autant commencer par des excuses: désolé de n'avoir rien écrit avant. Mille excuses.

Après un stage aussi éprouvant qu’intéressant, après avoir vu une génialissime représentant de Don Giovanni de Mozart, après avoir regarder l'Euro 2012 dans l'ambassade d'Allemagne à Paris, et après un dilemme cornélien qui me fit préférer Bruges à Saint-Cyr comme antichambre de la recherche d’emploi, je mis les voiles vers quelques voyages.

 

Premier arrêt : la province de Québec

Pourquoi y aller ?

Certainement pas pour cette nourriture qui transforemait presque un Burger King Allemand en restaurant gastronomique. Car, même si le smoked meat Montréalais est une viande de boeuf dont le goût ressemble étrangemment à de l'excellente mortadella bolognaise moins grasse que d'habitude; le plat traditionnel du Québec est cet étrange pudding de frites molles et de fromage sans goût qu'ils appellent Poutine. 

Ni même pour cette langue si familière et si étrange à la fois. Langue où le mot Bisounours est remplacé par Calinours, où les bars s'appellent parfois "les foufounes électriques" et où un petit ami se dit "tcheum". 

Alors pourquoi? Par ce hasard qui a voulu que Montréal soit la ville-hôte d’une simulation de parlement européen (la SPECQUE) à laquelle j’ai participé pour la deuxième fois cette année. J’y ai tenu le rôle du chef du groupe des socialistes (tant qu'à faire).


Le Québec, niveau architecture, sans réelle surprise, à moins d'avoir un amour du quadrillage et des grattes-ciels, c’est mieux en Europe. Mais, parfois on a de belles surprises, comme la Basilique Saint-Anne qui se trouve à quelques dizaines de kilomètres au nord-est de Québec. L’intérieur est époustouflant tant il ne ressemble à aucun des lieux de culte que j’ai eu l’occasion de voir. Des peintures qui ont un côté orientalisant, doré-mais-pas-trop. Et du syncrétisme puisqu’en haut des piliers de la croisée du transept étaient inscris les quatre valeurs de la Rome Païenne : force, prudence, tempérance et justice. Etrange clin d’œil à l’excellent livre qui m’accompagna lors d’une partie de cet été : Histoire de  la Rome antique.

http://www.sanctuairesainteanne.org/images/qui_ste_anne/ste-anne2.jpg

 

Mais le mieux au Québec, c’est la nature. Avec quelques survivants à notre simulation de Parlement Européen, nous sommes allés en une sorte de road trip avec une direction : Tadoussac et ses baleines. Les baleines valaient le voyage, la nature aussi. Avec de quoi faire des bonnes photos de pochette d’album folk :

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En milieu de billet de Tom-Tom, il faut un point politique. Il ne concernera pas la crise  de l’euro tant notre impéritie collective m’afflige. Je parlerais de politique québécoise. J’étais au Québec au cœur de la campagne électorale et ça intéressait les gens. 75% de participation, bien mieux qu’aux USA, aussi bien que chez nous. Le vainqueur est le Parti Québécois, une sorte de parti social-démocrate et indépendantiste (sa cheffe appelle le Canada le « pays voisin »).

Mais l’indépendance n’est pas pour demain. Le Gouvernement Fédéral Canadien s’arrange pour sélectionner des immigrés anglophones qui iront s’installer au Québec, ce qui dilue la population de francophones. Exemple, je suis tombé sur un chauffeur de taxi de Montréal qui refusait de parler un seul mot de français –pas même bonjour. Cette présence anglophone fut sans doute suffisante pour empêcher l’indépendance du Québec en 1995 puisque le référendum pour le « oui » à l’indépendance n’obtint que 49,5%.

Le PQ a donc obtenu un bon score mais n’a pas réussi à mobiliser la jeunesse étudiante qui arbore pourtant depuis des mois le carré rouge, symbole de l’opposition à la hausse des frais d’inscriptions à l’université. Ainsi, le PQ sera à la tête d’un Gouvernement de minorité ce qui rend improbable la tenue d’un référendum sur la question nationale dans les quatre années à venir.

 

2ème arrêt. Franconie, nord-est de la Bavière. Petit camp de jeunes socialistes Allemands. Disons que c’est un peu une mini-version du camp des jeunes socialistes norvégiens d’Utoya (là où Anders Breivik est allé s’amuser). Beaux débats, belles rencontres, et début de l’apprentissage de ce qui pourrait devenir ma 3ème langue vivante.

 

Prochain arrêt. Une fairy tale fucking town –comme le dit un des personnes de In Bruges. Bruges, sa gran’place, son Collège d’Europe, son internat, ses cours obligatoires du lundi matin au samedi soir, ses deux semaines de vacances par an. En tout cas, si vous passez dans le coin, faites-moi signe. J’y serai dès lundi matin et jusqu'à fin juin.

 

Des bises,

Thomas

 

P.S

Une photo d’un animal très présent au Canada dont Nico sait fort bien imiter le cri (testé et approuvé en février 2008 en Suisse sur la musique des Beach Boys).

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31 juillet 2012 2 31 /07 /juillet /2012 16:03

 

Mes beaux amis, voici la suite de l’histoire…

J’ai enfin avalé toute la poussière des archives et je sais désormais que notre bibliothécaire met deux sucres dans son café. Il est temps pour moi de partir avec mon histoire en poche. Mais quelque chose me chagrine, qu’est-il arrivé à tous ces gens ? A ce quartier construit « tous ensemble »?

Le Nord Eclair, qui semblait être un vrai journal d’infos à l’époque, nous parle alors de milliers de personnes virées chaque jours, d’un Giscard, triomphant d’abaisser les barrières douanières (j’ai aussi retrouvé un Charlie Hebdo, avec un dessin de VGE qui dit : « c’est le libéralisme ou ma main dans ta gueule ! » héhé ces gauchos), mais aussi de la sortie en salle de Vol Au dessus d’un Nid de Coucou. Un journaliste un peu impertinent (j’en connais un autre !) oppose même la saine « maladie mentale » de Jack Nicholson à la folie de l’époque.

 

Et bien allons voir ce quartier utopesque, ou ce qu’il en reste ;

Tout d’abord rien. Il m’a fallu en effet trois petites excursions pour comprendre que je n’étais pas le bien venu. J’étais en effet toujours gentiment mais fermement sommé par 3 ou 4 types de passer mon chemin ou de le rebrousser (ce qui me laissait quand même une marge de manœuvre, hein !). Le dealer et le sociologue n’ont jamais eu de très très bonnes relations, parce qu’il lui faut toujours un temps pour comprendre qu’on peut avoir envie de se balader dans un quartier dégradé sans nécessairement chercher de la drogue. Il me fallait aussi un petit temps pour comprendre qu’un mec classe moyenne qui vient se balader dans un quartier dégradé, cherche nécessairement de la drogue. 

Seulement le sociologue est malin comme un singe (ou comme un sociologue !), il use de tactiques pour esquiver son ennemi, il évite par exemple de dormir au sol, et se réfugie dans les arbres à l’abris des prédateurs, il s’achète aussi un réveil matin, pour aller chasser à l’aube, quand le dealer dort encore.

 

Ce vendredi, il fait un soleil radieux sur Roubaix, il est 9h30 et je m’engage dans le quartier. Il paraît que j’ai un gros défaut : c’est que je ne sais absolument pas prendre de photos. Je considère que j’ai aussi une grande qualité : c’est de ne pas vouloir les montrer. Ce sera donc à vous d’imaginer la brique rouge, mais je ne me fais pas de souci, confrères lillois (en cas de panne, il y a toujours google maps). Etonnant de marcher dans une ville ou chaque pierre vous est familière sans l’avoir jamais vue. Tout n’est pas fini et certaines courées paraissent encore fraîchement détruites. Un vieil homme noir regarde le temps passer. Et maintenant que j’y pense, je me sens un peu Mc Nulty marchant en plein Baltimore. Me revoyant faire le tour du pâté de maison, il ne semble pas plus étonné que ça. Au coin de la rue, un magasin dont la devanture manque de peinture fraîche, on peut y lire : « spécialités espagnoles, italiennes, polonaises, marocaines, algériennes ». Je me demande s’ils ont respecté l’ordre d’immigration. En fait à part ses boîtes aux lettres ouvertes, ce quartier pue l’ennui. En repassant j’aperçois un panneau de la ville : « Ici Roubaix crée le quartier de la création ! » Comprenez : « Ici Roubaix tente de dégager les gens grâce à la culture ! ». Je retourne chez moi un peu triste. Oh et puis merde, je sais pas trop ce que j’avais imaginé.

 

 

Quelques jours plus tard je reçois le programme de la conférence, rien d’anormal, je vois mon nom là où il devrait être. Mon père me fait tout de même remarquer que c’est à Matignon. Je manque sérieusement de m’étouffer, j’avais oublié ce détail. Ouf le nouveau gouvernement vient juste de passer, le collaborationnisme ne m’a jamais vraiment tenté.

 

Pluvieux dans le 7ème arrondissement, bizarre ce temps. Tout se passe bien, je bafouille un peu mais rien d’anormal, noyé dans la masse d’intervenants. On s’applaudit beaucoup, on se fait remarquer à quel point on a été brillant, et caustique. Je pense que la même conférence a eu lieu il y a quarante ans, et qu’un type s’était levé mécontent de perdre sa maison, et avait demandé aux intervenants si un seul d’entre eux avaient jamais habité la courée ! Ca avait du créer un sacré silence dans la salle. Triste qu’aujourd’hui plus personne ne se soit levé. 

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21 mai 2012 1 21 /05 /mai /2012 17:34

Salut les Amis,


Il est désormais inutile de le cacher, me voilà au seuil de la saison des pluies. Dehors s’abattent depuis plusieurs heures des trombes d’eau sous un orage assourdissant. Après une journée de chaleur intense et d’une humidité nouvelle, l’air s’est brutalement rafraichi, le son du tonnerre, lointain, a d’abord résonné dans un ciel limpide puis, sans que je m’en aperçoive, de gros nuages noirs ont précipité le venue de la nuit et ce fut le déluge.


On m’avait pourtant prévenu, la belle saison en Casamance s’arrête en avril et commence alors le terrible « hivernage » qui doit durer un peu plus de quatre mois. La chaleur va encore s’intensifier, l’humidité sera désormais permanente et étouffante, et les pluies dureront parfois des jours entiers, défonçant les routes de sable et les toits de tôles. Les insectes vont se multiplier et ce sera (ça commence d’ailleurs ici même, dans ma chambre) un concert assourdissant de vrombissements en tout genre. Des cohortes sans fin de moustiques, de mouches et de cette variété étrange de fourmis vola ntes (qui piquent, ça va de soi). Ceci dit, le bon côté de la chose c’est que la végétation va renaitre et que la région sera de nouveau luxuriante. Décidemment, le climat Soudano-Guinéen, c’est quelque-chose.


Et ce revirement climatique colle assez bien avec une nouvelle période dans ma vie d’exilé lointain. Je commence à avoir le spleen. Eh oui, l’était temps, diront ceux qui me connaissent le mieux. Mais c’est que d’une part mon stage s’embourbe et que par ailleurs, j’ai subitement pris conscience que la bouteille de Gin coutait l’équivalent de 6 euros, alors forcément…


Pour vous faire un rapide topo sur le stage, voilà ce que l’on peut en dire. La Plateforme des Femmes pour la Paix en Casamance est une structure qui se présente sous la forme d’une vaste coquille vide aux ambitions démesurées. Tout notre travail est miné par des rivalités de pouvoir internes, des egos sur-dimensionnés, une vénalité rampante et surtout, par le manque d’argent. Mais quel genre de bailleurs accepterait de financer une organisation qui ne sait même pas de combien de membres elle est composée et qui n’est encore jamais parvenu à réunir ne serait-ce qu’un quart de son assemblée générale ? Les gens ne viennent pas et les salariés désertent systématiquement le bureau à partir de midi, quand ils font l’effort de venir même travailler le matin. Dans ces conditions, je me retrouve à venir tous les matins au bureau vers 8h30 pour ne repartir que vers 17h30 avec strictement rien à faire. On ne me dit rien, on ne me confie rien. J’avais bien essayé de lutter pour que la Plateforme se bouge et se structure un peu, mais toutes mes propositions et tous mes documents ont gentiment été mis à l’écart et oublié. Et croyez-moi, venir jour après jour dans un bureau étouffant pour suer à ne rien faire, c’est dur pour le moral. Surtout quand la pe rspective la plus probable est que cela dure encore 4 mois. Alors j’ai décidé de chercher un autre stage, et c’est ce que je suis en train de faire.


Que dire de plus. Je n’ai pas encore eu l’occasion de faire d’autre week-end dans la région. Il faut dire que chaque voyage me coute assez cher car si je ne veux pas les faire seul et que je propose à un ami de venir, je dois tout payer en double puisque la plupart n’ont pas de salaire et ça chiffre vite. Moi qui pensais que je ferai des économies en Afrique ! Je dépense autant qu’à Lille, peut-être même plus… mais je dois me faire avoir quelque part. Ça aussi, ça pèse sur le moral parfois.


Et en plus, je suis tombé malade ! Et bon, quoiqu’on en dise, tomber malade sur ce continent, c’est toujours un tantinet plus stressant qu’en Europe. A la première poussée de fièvre, on pense au palu, à la première nuit passée la tête dans les chiottes, on pense à l’état de délabrement de l’hôpital dans lequel il faudra se rendre si c’est une intoxication et on vomi encore plus… Et ce jour-là, alors que j’avais courageusement pris la décision de rester chez moi pour essayer de récupérer, voilà que ma patronne m’appelle pour une « urgence ». Une lettre à rédiger et envoyer avant 17 heures à un important bailleur de fonds. Visiblement, elle ne peut pas l’écrire elle-même et tous les autres ont, selon leur habitude, déserté le bureau. Je proteste un peu, silence gêné, puis elle dit d’une voix plaintive « mais comment faire ? », silence, je dis que j’arrive. Arrivé trempé et fiévreux au bureau, je découvre qu’en fait de lettre, c’est une explication des dépenses des 6 derniers mois de la Plateforme que le bailleur attend. Des dépenses pour des activités que je ne connais pas, puisque je suis arrivé il y a deux mois et qu’on a encore conduit aucune activité depuis. On me file trois pauvres documents et, miracle de la fièvre, je ponds trois pages de pipeautage-justification sur l’utilisation de ces millions (de francs CFA, hein !). Au pa ssage, je découvre sur le contrat du bailleur que le financement promis n’était non pas de deux ans comme tout le monde le clamait à l’ONG, mais de 6 mois seulement et qu’il a pris fin en janvier dernier. Ceci explique pourquoi on nous a coupé le téléphone et internet. J’essaie de l’expliquer à ma patronne, mais elle n’en démord pas : le bailleur s’est engagé pour deux ans. Visiblement, personne ne sait lire un contrat, j’abandonne. La lettre est postée, advienne que pourra pour ce pauvre financement fantôme.


Bon, pour éclaircir le tableau, je vais tout-de-même vous raconter ma rencontre avec les rebelles, ça nourrira vos attentes d’aventures…

 

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C’était quelques jours avant cet épisode, je me trouvais comme à l’accoutumé au bar du campement de mon quartier. Sirotant une bière fraiche en compagnie d’un ami. Le gérant de l’endroit, Bass, que je commence à connaitre, s’approche d’un air réjoui. Il sait que je m’intéresse au conflit en Casamance et on en parle souvent tous les deux. Après s’être jeté dans un hamac près de notre table et s’être allumé une cigarette dont il tire une longue bouffée, il me dit ce que j’attendais depuis longtemps. « Ils sont d’accords ». « Ils » ce sont les membres du maquis qui ont une planque non loin de mon quartier, et s’ils « sont d’accords », c’est pour que je les rencontre. Joie et peur. Je me dis très vite que j’ai peut-être été un peu rapide et inconscient ce jour où Bass m’avait dit qu’il savait où les rebelles étaient à Ziguinchor et que j’avais répondu que j’aimerai bien aller leur parler. La bière avait parlé avant moi et voilà la conséquence. Mais qu’est-ce que je pouvais bien leur dire à ces rebelles, moi ? La plupart des membres du MFDC qui habitent cette semi-planque (tout le monde la connait dans le quartier) ont quitté le maquis depuis un bout de temps, mais on me dit qu’ils accueillent encore parfois des maquisards qui cherchent refuge ou qui doivent simplement se rendre en ville. C’est d’ailleurs tout le problème avec ces rebelles, dans la brousse, on peut les reconnaitre, mais en ville, ils sont partout et invisibles. C’est ce qui explique que beaucoup de gens ont peur d’exprimer leur point de vue sur le conflit quand je les interroge. Bon, me voilà donc devant cette bière, à deux jours de les voir enfin, ces fameux grands méchants.


Le jour fixé arrive, je retrouve Bass qui m’accompagne jusqu’à la maison mais qui reste à bonne distance. Il aime pas trop trainer dans cet endroit et ni avec ces gens quand même. J’entre seul dans la cour entouré par une haute palissade de roseaux. Il fait presque nuit. C’est juste après ma poussée de fièvre et je suis encore tremblant, ou bien est-ce la réputation des rebelles ? Je serre quelques vagues questions entre les mains : officiellement, je suis un étudiant qui rédige un mémoire sur le conflit, pas question qu’ils apprennent que je bosse pour la Plateforme, ils ne diraient plus rien. Un petit homme m’attend sur une chaise et me propose de m’assoir. Il est souriant et parle un très bon français, visiblement, il a l’habitude de raconter le conflit aux néophytes. Je me détends un peu. La conversation va durer plus d’une heure et demi. Son discours est très intéressant par ce qu’il omet de dire ou transforme volontairement. Je suis content de constater que j’en sais assez pour pas qu’on me la fasse à moi. Sa position angéliste sur les rebelles et la diabolisation des forces gouvernementales, les arguments historiques d’une prétendue Casamance indépendante, je les aurai démontés en trois minutes si je n’avais eu cette petite voix pour rappeller que j’étais quand même, du moins en partie, dans la gueule du loup. Eh ! qui sait ce qui se cachait derrière les murs de ces cases ! Qui sait qui étaient ces hommes qui traversaient parfois la pénombre de la cour pour disparait derrière une porte ! Mais de son discours, je comprends que ce confit n’est sans doute pas près de connaitre son dénouement. D’abord, le MFDC estime que c’est la France qui a promis son indépendance à la Casamance et que c’est à elle d’intervenir pour régler la question, ensuite il me dit ce que je sais déjà, à savoir que les rebelles sont liés à la lutte par un serment mystique et que seuls ces puissances mystiques peuvent mettre fin à leur combat. Il faudrait donc l’intervention conjointe de la France et des génies de la forêt, un genre de processus de paix qu’on a pas vraiment étudié à l’IEP… Je repars de là assez fier de moi, surtout que les gars de la maison se montrent plutôt épatés, particulièrement Abel qui jure que jamais il ne serait allé trainer avec ces gens.


En parlant de mysticisme, je ne résiste pas à vous dévoiler un autre secret. La maison voisine de la mienne abrite un fétiche Mandjak. Un fétiche assez puissant pour attirer des sénégalais du monde entier qui veulent se débarrasser d’une malédiction ou faire fructifier leurs affaires. Quand un cas grave arrive, les femmes responsables du service mystique se réunissent toutes la nuit et c’est alors une ambiance remplie de mystère et d’angoisse qui tombe sur la maison. La nuit noire est transpercée par des cris surhumains et un rythme infernal de Djembé peuple les rêves d’images tirées d’Apocalypse Now ou d’au Cœur des ténèbres de Joseph Conrad. Allongé sous ma moustiquaire, je ne peux jamais m’empêcher de frissonner malgré la tiédeur de la nuit.


Des bisous les amis, vous me manquez toujours terriblement.

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19 mai 2012 6 19 /05 /mai /2012 14:31

 

Que dire, que dire dans ce magnifique blog ou l’incongru ce mélange au rocambolesque, où certains font amiami ce que d’autres font aux marocains ? Eh bien allons y ! Racontons cette vie de chercheur, si on cherche bien on y trouvera bien une histoire d’amour, planquée derrière une pile de livres.

 

Tout commence en juin de l’année dernière, ou le jaja ne fait qu’éponger sa tristesse quotidienne dans des rencontres souvent peu fructueuses tout en négligeant quelque peu ses amis, mille pardons d’ailleurs pour cela. Mon maître de mémoire me dit qu’il a quelque chose à me proposer, une recherche, enfin une vraie recherche, genre pour le ministère et tout et tout. Je signe en fermant les yeux, enfin ils étaient ouverts mais je n’étais pas plus avancé. Roubaix ? « ouais je connais comme ma poche, j’y suis allé une fois ! Enfin nan, deux, mais la 2ème j’étais un peu sou donc bon… ».

Quelques livres plus tard, j’apprends que Roubaix, cette charmante ville (la plus pauvre de France), le fleuron de l’industrie textile, était composée d’un paysage aussi intense que bref  : des usines et des courées. La courée c’est ce qu’on a trouvé de moins cher pour loger les ouvriers, petite ouverture sur la rue, et après sur 150 mètre, une centaine de personnes entassées, avec des petites toilettes au fond et puis pas d’eau courante, faut pas déconner non plus, après ils se ramollissent quand ils sont trop bien lotis. Parfois, l’entrée de la courée était fermée par une grille, pour pas que les ouvriers puissent picoler le soir, après ça donne des mauvaises idées révolutionnaires ou juste mal à la tête (j’avais pensé à la même chose pour Dja, théo et Nico…). Tout n’est pas rose, mais tous les témoignages l’attestent, grosse solidarité dans le quartier.

Alors moi j’interviens ou dans tout ça ? Ah oui ! Donc un jour quelqu’un de haut placé a dit « Ah nan, mais c’est indigne d’un être humain, rasez moi tout ça et puis faites moi des belles tours HLM (vous savez celles dont on va reparler un peu plus tard !). Et s’ils ont encore faim, donnez leur de la brioche. » Bon et puis au début des années 70, les constructeurs bah ils y allaient pas par quatre chemins, faut moderniser donc on détruit tout et on recommence. Seulement sur mon terrain d’enquête, il y a eu un petit grain de sable, quelques militants qui ont dit non, juste non. Et moi je dois reconstituer ce qui s’est passé. Ok alors j’y vais. Ouais sauf que je sais pas trop ou aller. 1ère étape les archives. Je prends contact avec Madame archive, celle-ci est ravissante, elle m’emmène dans une salle poussiéreuse, je me dis « super c’est dans la poche » et avant que j’ai pu l’embrasser sauvagement, elle me dit : « voilà Mr Vulbo, maintenant c’est à vous de chercher, rien n’a été touché depuis 30 ans, je vous laisse… ». A peine rhabillé, je regarde autour de moi, des cartons partout avec pour seule indication « Roubaix à ranger. » Pas découragé pour autant, je me dis que mon amour pour cette petite bibliothécaire de rien du tout (comme dans Le roi et l’oiseau) ne tient qu’à un fil. Trouver celui de l’histoire et l’impressionner avec mes découvertes…

 

Après deux bon mois dans cette salle, à travailler sur mon cancer de la gorge (la poussière !), toujours pas d’amour fou mais alors une superbe histoire. Celle qu’on apprend pas à Sciences po. Comment on fait plier le pouvoir, comment on refuse des décisions arbitraires, comment on s’organise pour lutter collectivement, enfin la vie quoi. C’est à dire que ces militants ce sont pas seulement contenté de dire non, ils ont fait des propositions, et ils ont organisé leur propre reconstruction du quartier. A travers le nom d’Atelier Populaire d’Urbanisme et 10 ans de luttes, ce ne seront pas des tours HLM qui seront reconstruites, mais de jolis immeubles, genre 4 étages, dans le style de l’époque et surtout c’est le début de la démocratie participative, vous savez celle qui est bêtement récupéré par le pouvoir, en faisant semblant d’écouter le peuple pour mieux lui imposer sa volonté (Mélenchon revient !).

Je garde la suite pour les longues soirées d’été en votre compagnie. Un chouette film a été fait dessus d’ailleurs accessible sur youtube.

http://www.youtube.com/watch?v=1snOg2M5yCw

Bon et puis je n’oublie pas le plus important, tomber amoureux et pourquoi pas se relever.

 
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19 mai 2012 6 19 /05 /mai /2012 01:58

Mes tendres,


Me voilà à deux petites semaines du retour et, au lieu de vous pondre un article général, interminable et sûrement un brin ennuyeux sur mon séjour paceño et alteño, j’ai choisi de parler d'un mariage bolivien auquel je me suis rendue. Un des acteurs de la troupe nous avait invités au mariage de son cousin aymara (peuple indigène de l’altiplano). Pourquoi pas, de la nourriture gratuite, de l’alcool à foison, ça ne refuse pas. On prend donc un microbus qui se traîne paresseusement jusqu’à La Paz. Oui, parce que je vis à El Alto, qui, comme son nom l’indique, se trouve à quelque 500 mètres au dessus de la capitale bolivienne, c'est-à-dire à environ 4000m d’altitude. Nous descendons donc, en compagnie de Max, le cousin du marié.


On débarque dans une rue qui regorge de salles de fête, on entend de la musique andine, plein d’invités circulent dans les rues sur leur 31. Les cholitas, ces boliviennes qui s’habillent avec des lourdes jupes, se couvrent les épaules avec des châles, et la tête avec un tout petit chapeau, je me demande encore comment il tient sur leur tête, ont revêtu leur plus beaux atours et portent de l’or à vous faire mal aux yeux. Je jette un œil sur mes baskets, je commence à me sentir un peu mal. « Vous venez, on va acheter un cadeau », nous dit Max. Ah bah oui, c’est vrai qu’on n’a pas de cadeau. Heureusement les boliviens ont tout prévu, à côté des salles de fête s’entassent des petits stands qui proposent des assortiments de tasses, des couvertures, de la déco pour la maison, difficile de faire plus kitsch. Le cadeau sous le bras on se dirige vers l’entrée. Une dernière étape avant d’être officiellement présentés aux mariés : il faut acheter ses caisses de bières à l’entrée. Ca vous plairait. Quelques minutes plus tard, on pousse nos caisses de bières vers les mariés. C’est le moment des salutations. Distribution d’abrazos aux mariés et à la famille proche « Felicidades, felicidades », auxquels on me répond « gracias, bienvenida ». Ils n’ont pas l’air mécontent de voir débarquer cinq gringos à leur mariage. En arc de cercle, nous faisons maintenant face aux mariés et à leur proche famille. Des serveurs arrivent, nous distribuent une sorte de punch. Tout le monde lève son verre, renverse une lichette sur le sol pour offrir la première gorgée à la pachamama, et boit le contenu cul sec, à la santé des mariés. Je les imite. Vient un deuxième verre, puis un troisième, avec le même rituel à chaque fois. Nos trois culs secs dans le sang, on distribue une nouvelle fois une série d’abrazos, puis on rejoint notre table.


Je peux vous dire que malgré ces soirées au poste, malgré les fêtes chez les filles, je pense que j’ai battu mon record d’ingestion de bière à la minute. Selon la tradition andine, tu ne bois jamais seul, tu attends que tes compagnons lèvent leur verre, tu trinques, tu n’oublies pas la pachamama en vidant un peu ton verre sur le sol et tu bois. En plus de ça, si tu croises le regard de quelqu’un qui a un verre plein, ce dernier va inévitablement lever son verre à ta santé, et là, pas d’échappatoire c’est le cul sec obligatoire. Le verre vide, tu montres ta bonne foi en le retournant, et en offrant les dernières lichettes de mousse à la pacha. Je commence à comprendre pourquoi le sol glisse. Etant les seuls gringos dans la salle, tous les invités nous ont repérés, on n’a pas un seul instant de répit, le verre une fois vide se remplit toujours et ça repart, un peu à la Pacha et dans le gosier, cul sec. J’ai besoin d’une pause, de fuir le verre de bière un moment, je ne pensais pas que ca m’arriverait un jour, je me rends donc sur la piste de danse avec Max et là, on se fait encercler par ses cousins, tous avec leurs bouteilles de bières et leur petit verre en plastique qu’on me fourre dans les mains. Pacha, gosier, pacha. Je me retrouve dans une ronde avec des cholitas et des boliviens en cravate, dès que je sors de là, on m’entoure de nouveau avec des bouteilles, des sourires et des verres en plastique, vous connaissez la chanson, pacha, gosier, pacha…


A minuit, tous les invités (dont moi) sont dans un état d’ébriété assez incroyable. Les enfants commencent à ramener leurs parents, les mariés constatent d’un air désolée la beuverie, les cholitas encombrées par leurs jupes se rétament magistralement les unes après les autres sur le sol inondé de bière. Là je suis plutôt contente d’avoir mes baskets. J’ai compris le truc un peu tard, il faut dégainer ta bière et ton verre en plastiques avant l’ennemi, comme ça c’est lui qui boit cul sec et toi tu le regardes en souriant. Surtout dès que le verre est vide le remplir sinon il risque de riposter. Trop tard, j’en suis au stade où je m’efforce de faire semblant de comprendre un invité qui me parle aymara, à opiner de la tête en lui proposant de temps en temps un verre de bière et en me voyant offrir le double.


On est finalement remonté à El Alto, je ne me souviens plus très bien du voyage de retour.

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16 mai 2012 3 16 /05 /mai /2012 22:24

 

 

 

 

 

Chers camarades non germanophones et néanmoins amis,

 

Loin de moi la volonté déplacée d’occulter le cri de rare de Johanna, car celui-ci a toute sa place sur le paradis informatique. Que dire, si ce n’est que la Kronembourg, c’est quand même très suspect : mais il faut avoir vu la brasserie de Strasbourg pour le savoir. Les articles semblent fleurir comme les bourgeons en cette verte saison. C'est la période.

 

 

ste.jpg

 

 

Comme vous le constatez, l’apparence de la région a quelque peu changé. Les genets, envahissantes broussailles totalement inutiles au bon fonctionnement de la Nature (mais qu’en savons-nous ?) nous gratifient de bouquets jaunes d’un goût discutable, les châtaigniers commencent à reverdir et nous gratifient d’un vert plus fluo que les lunettes d’Eva Joly. Observez ainsi le contraste à quelques 1300 et des bananes mètres d’altitude. Dire que fin janvier, lorsque j’ai franchi ce col, j’avais mis une heure et que je tremblais de voir le thermomètre de la GronchonMobile se rapprocher doucement mais sûrement du zéro. Désormais la voiture connaît la route toute seule. Dangereux.

 

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Je ne résiste pas non plus au plaisir de vous montrer que moi aussi (attaque !), je puis travailler le fayard : le fayard est en effet le nom local du hêtre, lui aussi resplendissant à cette époque de l’année.

 

 

fayard.jpg

 

 

Quel plaisir de revenir vers vous en joli mois de mai, alors que tous les espoirs semblent permis ;

 

Grâce à l’élection de François Hollande, Thom-Thom va sans doute être nommé à la tête du SGAE (en cas d'incompréhension, retournez consulter les cours de 2° année que vous avez gardés sous l'oreiller) et changer l’Europe ;

 

Grâce aux concours de la fonction publique, Jojo va réorganiser l’administration territoriale vers une planification efficace tendue avec acharnement vers la réduction du temps de travail ;

 

Grâce à sa maîtrise de la langue de Fayrouz, Nico va devenir le nouvel Albert Londres ;

 

Grâce à son sang-froid et à sa résistance aux moustiques, Théo va faire cesser tous les conflits dans le monde ;

 

Grâce à son caractère intrépide, Maud va dénoncer les ravages de l’impérialisme occidental en Amérique Latine et fonder un groupe avec Manu Chao ;

 

Grâce à sa persévérance en matière d’improvisation éloquente, Antoine va décrocher une bourse de thèse ;

 

Grâce à son talent et à sa connaissance impeccable des séries télévisées, Léa va révolutionner le cinéma américain et faire déferler sur la terre entière des créations fraîches, drôles et décalées...

 

Je sais que j’en oublie. Ils me pardonneront, ou bien ils écriront sur ce blog.

 

Et moi dans tout ça ?

 

 

vaches.jpg

 

Cessez de me regarder avec ce regard bovin ! Car oui, les vaches sont de nouveau de sortie, signe indéniable que le printemps est enfin arrivé sur le plateau ardéchois. Après tout ce temps passé dans d'obscures étables, il faut bien qu'elles ruminent l'herbe verte et non rouge ; le beurre de printemps est paraît-il le meilleur, mais là ce ne pas des laitières je crois bien...

 

Et ce que vous attendiez avec tant d’impatience va pouvoir enfin régaler vos orbites révulsées par une longue attente hivernale à l’ombre des ions informatiques : le mois de mai.

 

wundershon.jpg

 

[Si vous agrandissez vous verrez la tour de  Borne au milieu. La vie est difficile.]

 

Alors, que fais-je ? A quelle destinée me prépare-je ? Malheureusement je l’ignore toujours. J’imagine que vous êtes fort curieux de ma situation professionnelle depuis environ un mois et demi. Sachez que mon réseau Linkedin demeure au point mort, en vertu des efforts involontaires de Thom-Thom pour m’inviter à rejoindre ce simili-Facebook, que même SciencesPo refuse désormais pour créer son propre réseau de gens « in » grâce à l’entreprise d’UMP GrandesEcoles.

L’évaluation du programme Leader sur le territoire du GAL des 3 Sources se porte bien. Nous restons dans l’anonymat pour l’instant mais un site Internet (joie ! Je ne m’en occupe pas !) verra bientôt le jour pour répondre à toutes vos questions. Je puis vous livrer une photo officielle en avant-première.

 

 

cp2mai.jpg

 

 

Voyez que ça a l’air de bosser dur. Tiens ça me fait penser que le portrait va changer.

Pour ne rien vous cacher, ce n’est pas facile tous les jours. Nous sommes trop peu nombreux sur ces 1000km² pour dépenser l’enveloppe gracieusement attribuée et nous risquons fort par conséquent de ne pas bénéficier d’une dotation complémentaire. Qui a dit que les caisses de l'État étaient vides ? En tous cas il me faut passer à une phase opérationnelle très très concrète : rédiger un beau rapport, réunir à nouveau tout le monde et présenter en chaire les résultats très secrets de mon enquête. J’ai récemment confié à Antoine mes déboires d’apprenti sociologue. Je suis tout aussi gêné de la faible pertinence économique de mon rapport. Mais comment faire pour relancer l’économie locale ? J’ai pourtant plein d’idées !

Je vous confierai plus tard quelques retours d’expériences : participer à la tonte des moutons, stimuler le marché de Langogne par la création d’une demande bloquée, soutenir le moral des producteurs en buvant des coups, mesurer l’impact de l’arrivée de Janoé dans 2 semaines sur le développement de la création artistique en basse Ardèche...

 

En attendant, je goute doucement à l’insouciance dans notre beau pays qui paraît-il court à sa perte (pour information, le second tour sur le seul plateau ardéchois aurait été Sarkozy vs Le Pen) tant morale que financière.

Afin de déjouer les pièges du fisc qui risquerait fort de ponctionner leurs frais de déplacement considérables dans ces zones de sinueuses montagnes, les jeunes fortunés de Saint-Etienne-de-Lugdarès ont essayé de changer de vallée.

 

en-route.jpg

 

Pour ce faire, j’ai donc dû -un homme de ma qualité- être initié à l’escalade, étrange pratique sportive (pléonasme) dont le but est apparemment de monter un obstacle, si possible le moins abordable possible, pour ensuite redescendre.

L’objectif était clair. Les Sources de la Loire, que certains d’entre vous connaissent déjà, sises au Mont Gerbier de Jonc.

 

 

gerbier.jpg

 

Il s’agit de la petite butte là-bas au loin. Comme une butte de taupe. Symbole fort de l’identité du plateau, le Mont Gerbier n’est pas inconnu de nos grands-parents qui avaient encore à apprendre le nom de ce genre de lieu. Il s’agit apparemment d’une butte phonolitique (eh ouais...les cours de SVT...), i.e. quand la lave des volcans se refroidit vite eh bah ça fait des gros cailloux mais qui bougent plus et sont scintillants pour qu’on puisse les éclairer et qu’ils reflètent sous la loupe du microscope.

 

Comme nous sommes arrivés quelques minutes plus tard, je vous le montre de près.

 

 

gerbier2.jpg

 

 

C'est bizarre, hein ? Mais bon c'est ainsi, drôle de truc. En tout cas quand je suis sur le plateau ça m'indique le Nord-Nord-Est (on ne sait jamais...). 

 

Tenez, j’en profite même : car comme nous allons vraiment très vite, nous passons de l’autre côté de ces sources, dans le cirque des Boutières. D’aucuns seront peut-être surpris, à contempler ces paysages qui sont quand même loin de chez moi, de se renseigner sur le Tchier de Borée sur wikipedia.

Mais il y a plus mystérieux : le massif du Mezunc (le Mont Mezunc, c’est le truc que vous voyez au milieu de la prochaine photo, à droite de la petite butte du Gerbier de Jonc...c’est le plus haut sommet d’Ardèche ohohoh ça ne rigole plus) est le théâtre plus ou moins régulier et dramatique d’accidents d’avions. Heureusement qu’il n’en passe pas tous les jours. C’est un peu le triangle des Bermudes local. Nul doute que l’activité volcanique ancienne a laissé des traces encore insoupçonnées en termes de magnétisme et d’ondes bizarres qui dérèglent tout ce que notre époque trouble et dissolue a pu générer de superflu par rapport à la bière, seul liquide véritablement nécessaire.

A moins qu’il ne s’agisse simplement de la terrible Burle...

 

 

boutieres.jpg

 

Mais, comme m'a dit un maire d'une commune de ce sympathique cirque : "vivre ici, ça se mérite". 50km au sud, j'en suis encore loin.

Avis aux amateurs... Certains en cherchent apparemment.

 

abraham.jpg 

 

 

Des bisous ! Vous me manquez bien sûr, et nous allons bientôt battre le rappel pour faire je ne sais quoi cet été et cet automne !

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16 mai 2012 3 16 /05 /mai /2012 11:31

Toutes les colocations ne se valent pas. C'est le moins que l'on puisse dire.

 

Trompée que j'ai été par le bière fraîche offerte lors de la visite de l'appartement, j'ai foncé tête baissée dans l'appartement où je vis actuellement au centre de Nantes. Je pensais naïvement que les gens qui offraient de la bière à des inconnus - fut-ce de la kronenbourg - ne pouvaient être que des gens sympas, a fortiori de gauche, votant a minima Hollande.

 

Pensez-vous ! Les sarkozystes se glissent partout, et même dans les traits d'un homosexuel roux aux accents du sud, qui deviennent bien vite, trop vite, insupportables. Le monstre s'appelle Guillaume - et oui, je vis avec lui. Son retour récent me plonge dans un abîme d'irritation et de mécontentement dont je n'ai d'autre choix, si je veux conserver ma santé mentale, que de vous en faire part aujourd'hui.

Cela a commencé quand il m'a communiqué son vote - j'avais cru un temps que la promesse de Hollande de faire profiter de l'institution aliénante (ou pas, je m'en tape) qu'est le mariage aux homosexuels pousserait ce petit cerveau à voter à "gauche". Mais non, voyez-vous, dans sa grandeur il a "pensé aux intérêts de la France, et pas aux siens" et tout de même, il faut l'avouer, "Sarkozy est quand même un peu plus raisonnable". Selon quelles vertus, quels arguments ? "On peut dire qu'il a évité la casse quand même", ah bon ? quelle casse ? l'augmentation de la dette ? la casse sociale ? je me le demande bien.

Et au fond de moi cette envie que j'ai de lui crier de ne pas voter, si son bulletin doit être guidé par les débilités sans noms que la télé rentre dans son crâne vide et déficient, apparemment sans rencontrer aucun obstacle.

 

Ce n'est pas tout.

L'être est en plus d'une mesquinerie la plus totale. Alors que nous partageons toute la bouffe, Guillaume a décidé de ranger son Fa Douche dans sa chambre afin que nous autres ne puissions pas - grands dieux, ce serait affreux - en profiter. Il aimerait aussi que nous ne touchions pas à ses 10 kilos de lessive Le Chat dont je me demande bien ce qu'il va en faire à la fin de la colocation, qui arrive à grand pas.

Il faut avouer qu'il en a une utilisation assez importante - c'est ce qui se passe quand on veut laver les tapis de bains toutes les deux semaines... Car la bête m'assomme aussi sur le ménage. Non content de rentrer pour nous encombrer de sa présence après 1 mois d'absence, il s'est plaint de la disparition du "planning de ménage" et a décidé de coller des POST-ITs à notre porte pour nous indiquer la marche à suivre (Jojo - sdb ; Kevin - salon), nous réduisant par je ne sais quelle autorité à des subalternes exécutants. Il a aussi bien voulu m'expliquer dans un paternalisme abjecte que "tu vois Johanna, si on fait la vaisselle tous les jours, c'est beaucoup moins chiant pour tout le monde"...

 

"AAAAAH espèce de petite merde" (j'ai envie de lui dire) "qui ne sait pas vivre, pas lire, pas écouter (ses goûts musicaux sont affligeants), pas aimer, pas rire - comment peux-tu ne serait-ce qu'envisager que tu peux me faire la leçon comme à une jeune brebis égarée ?"

 

Tous les jours, la colère rugit en moi et je ne peux pas me dresser contre cette nullité qui l'habite, sous peine de passer les deux mois et demi qui me restent à le supporter quotidiennement dans un climat quelque peu tendu. C'est pourquoi je couche sur l'écran ma fureur, pour mieux la contenir.

Et je repense à ces jours dorés de la colocation lilloise. Julie et Laure, je vous rends hommage - nous avons eu nos difficultés, mais quel bonheur d'avoir vécu ensemble.

 

Pas de catastrophisme cependant, ma vie nantaise est loin d'être à l'image de ma relation avec Guillaume. Je baigne dans l'amour qui, si il est parfois chaotique, demeure formidable. Le stage est pas si mal (même si le concept de travail me pèse de plus en plus). Les projets s'amoncellent, le futur nous sourit !

Et bientôt nous nous reverrons, pour de nouvelles aventures.

 

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18 avril 2012 3 18 /04 /avril /2012 15:55

Kassoumaye les amis !


Je suis un peu désolé d’écrire si tard sur le blog. J’avais plein de choses à vous raconter pourtant. Trop peut-être… un peu la flemme de raconter à nouveau ce que j’avais déjà écrit à certains d’entre vous… et puis incapable de trouver par quoi commencer. Le passage à Casablanca pour voir Nico, l’enfer de Dakar, mes premiers jours à Ziguinchor, mon stage… J’y viendrai sans doute plus tard, mais aujourd’hui, j’ai décidé de commencer par vous parler de mon week-end à Kafountine.


 

Mais d’abord, camper l’ambiance. Je suis chez moi là, après une grosse journée de boulot à l’ONG où l‘on s’est efforcés, ma chef et moi, de boucler un projet bancal pour un financement d’Europaid, par plus de 30°C dans un bureau sans clim ni ventilo. Alors ce soir, je me suis offert le luxe d’une bière fraîche (une "Gazelle"). Je la déguste confortablement installé dans le hamac du jardin, sous les étoiles. Abou, Abel, Michel et Cheikh, mes colocs, regardent un match de foot dans le salon. Le riz cuit, le poisson grille et bientôt il faudra aller piler les piments. Ah ! Moustique ! J’allais les oublier ceux-là. Pardonnez-moi, mais ce récit sera rythmé par leurs attaques. Paf ! Un de moins…


Le week-end dernier, Cheickh, Michel, sa copine Inés, et moi-même, sommes allés à la mer, à Kafountine. Pour s’y rendre, il faut rejoindre la gare routiè

 

re de Ziguinchor : un vaste parking indescriptible, écrasé de soleil et de bruits, peuplé de milliers de vendeurs, de talibés (enfants des rues) et de chauffeur de « 7 places ». Un « 7 places » c’est une sorte de taxi de brousse, souvent une Renault 21 « Nevada » (parce que ce sont les voitures les plus robustes !), qui part vers une destination dès qu’il est plein. Autant dire qu’il peut arriver d’attendre un bout de temps avant de prendre la route. Mais Kafountine le week-end est une destination plutôt commune, alors on attend pas longtemps. Moustique.


Une fois entassés sur la banquette arrière, le voyage commence. Plus de deux heures d’une route défoncée, qui devient rapidement une large piste de sable, coupée par de nombreux barrages montés par l’armée ou bien par les villageois eux-mêmes. Première expérience de mitrailleuse pointée vers la voiture et de petite corruption anodine. On passe le large fleuve Casamance, puis le paysage défile. C’est la forêt tropicale, puis des rizières à perte de vue sur des plaines immenses, puis la mangrove, et la forêt à nouveau. Ça et là, on croise de petits villages à l’entrée desquels d’imposants panneaux annoncent le nom de célèbres ONG internationales. Quand la route devient piste, les couleurs changent et tout prend la couleur dorée de la poussière. D’ailleurs, quand on se fait doubler par une voiture, le nuage soulevé est tel qu’il faut se couvrir le nez et la bouche d’un mouchoir. Mais le chauffeur, humilié, a tôt fait de re-doubler le malotru pour lui infliger la même épreuve. Paf, moustique.

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Attendez une seconde, je vais prendre une petite louche de vin de palme.


Et puis bon, finalement, on arrive à Kafountine. C’est un gros village de pêcheurs, qui fait face à l’Atlantique. Pas de route goudronnée, beaucoup d’échoppes en tôles, quelques grosses villas planquées derrière des palmiers, des fromagers –ressemblant étonnamment à des baobabs- et des manguiers.

IMGP2366

On dort dans le « campement » des parents d’Inès, c’est-à-dire dans une espèce de paradis. Un grand jardin très fleuri, de petits bâtiments bas abritant des chambres et un accès direct à la mer. On se baigne dès l’arrivée, la plage est vide, mis à part quelques vaches qui méditent là. Derrière, commence immédiatement la forêt qu’on dirait impénétrable. Pourtant elle ne l’est pas, comme je m’en aperçois bientôt lorsque l’on décide d’aller rendre visite à Oncle Alphonse. La cinquantaine, « Tonce Phonce » est un vieux rasta, ancien professeur en Gambie, véritable encyclopédie vivante, devenu homme des bois et artiste. Il vit là, à quelques pas de l’Océan, sous le couvert

 

des arbres, dans une hutte sans mur qu’il a bâtit lui-même. Il pense agrandir sa maison, mais écolo radical, il attend que les arbres voisins aient atteint leur taille adulte pour ne pas avoir a en couper un seul. Sinon, il gagne sa vie en construisant des meubles avec du bois mort (il va jusqu'à en vendre à Londres!).


IMGP2353.JPG

 

 

 

Il faut dire que Kafountine, la « Jamaïque du Sénégal », est le refuge de tous les artistes du pays. Ici, si tu n’es pas pêcheur, c’est que tu es danseur, musicien, sculpteur... D’ailleurs, c’est la seule ville du pays où les joints sont « légalisés » par la force des choses. Les îles au large ne produisant que ça. Putain de moustique, il m’a eu ! Le soir, on part chercher du poisson sur la plage et le spectacle est incroyable. Des dizaines de grandes pirogues barriolées revenant du large et déchargeant des paniers de poissons dans le soleil couchant.

 

De retour au campement, je rencontre Bacari, le jardinier. Il fait un peu la gueule parce qu’il a une sale carie et qu’il faudrait aller jusqu’à Bignona (au moins 40 bornes) pour trouver un dentiste. Et puis il n’ose pas aller voir les arracheurs de dents locaux. Je lui conseille de boire le vin qu'on a ramené, mais Bacari est musulman... Par bonheur, j’ai quelques comprimés d’aspirine que je lui file. Il fallait voir le sourire épanoui de Bacari lorsque le médoc a fait effet et surtout son empressement à me présenter sa copine qu’il a immédiatement appelé pour profiter de ce moment d’accalmie dans son calvaire.


 Le jour d’après, on le passe chez des amis de Cheikh, qui roulent des joints avant d’avoir fini celui qu’ils serrent entre leurs dents, à faire du Ukulélé et à boire du vin. Ils parlent beaucoup, mais souvent en wolof, je ne comprends pas tout.

 

Puis le retour, avec le même facteur aléatoire qu’à l’aller, sauf qu’il nous faudra attendre beaucoup plus longtemps que la voiture se remplisse. Arrivés à 16 heures, on ne prend la route qu’à près de 18 heures. C’est un peu juste, parce que l’axe Ziguinchor-Kafountine est réputé dangereux et subit régulièrement des attaques des rebelles et autres coupeurs de route à la nuit tombée. Aussi, la route est-elle parfois fermée après 18h30…

Pôf, moustique.

IMGP2383.JPG

Mais rassurez-vous, nous n’avons subi aucune attaque de nos amis du MFDC et nous sommes arrivés à bon port quelques heures plus tard, juste avant la nuit.


Moustique.


Vous me manquez tous terriblement.

 

Théo qui vous aime.

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18 mars 2012 7 18 /03 /mars /2012 16:44

Chers camarades et néanmoins toujours amis,

 

Vous attendez avec impatience le récit de mon expulsion du village suite à votre passage. Vous souhaitez ardemment que je décrive comment au cours d’ un meeting politique enflammé du maire, profitant de la tuade qui avait rassemblé la population et suite à laquelle Johnny avait entonné « allumé le feu », comment tout à coup la foule, qui vibrait à l’unisson des slogans de son Leader, a été détournée par un hirsute metteur en scène inconnu au village, qui a rapidement désigné le logement du stagiaire à la vindicte populaire, arguant du fait que celui-ci avait des dents particulièrement longues pendant la pleine lune et qu’il troublait la tranquillité des sœurs par la répétition attestée de pratiques musicales douteuses pouvant être qualifiées de « chansons de Jo Dassin ». Fuyant le chaos, ledit stagiaire a descendu la vallée en une nuit et pris le premier train à Langogne, à 5h et demi du matin, pour se retrouver au soleil de Marseille à midi, où il prit un ferry en direction de Casablanca, où un jeune journaliste brun avait obtenu pour lui l’asile politique auprès de son excellence le Roi du Maroc.

 

Malheureusement, cette chronique ne peut être renseignée outre mesure, car j’ai en réalité trouvé refuge dans les ordres. Les sœurs m’ont happé.

 

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A cette nouvelle, plusieurs jeunes inconnus originaires de régions diverses se sont mobilisés et ont décidé de tout mettre en œuvre pour me sortir de l’univers monacal dans lequel je me destinais après en avoir épousé le cénobitisme dès ma vie temporelle. A l’aide d’un mystérieux guide de haute montagne en manteau rouge, qui s’avérait être un escroc notoire, descendant avéré des époux de l’auberge de Peyrebeille, ces jeunes gens préparèrent l’évasion.

 

Pour ceci, il leur fallait un plan.

 

carte.jpg

 

 

Ils conclurent vaillamment qu’il ne fallait reculer devant aucun péril, et que par conséquent le moyen de prime abord le plus efficace pour organiser cette libération était de prendre le maquis.

 

 

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Cette équipe, loin de constituer une formidable bande de bras cassés, fit preuve dans sa quête d’un sang-froid exemplaire. Alors que certains théoriciens passent des heures à rechercher les insondables lois de l’astrophysique la plus complexe, que certains intellectuels consacrent des journées entières à analyser avec finesse et curiosité la réception du discours sur l’assistanat, que certains désœuvrés mettent 6 mois de leur vie à rédiger un rapport d’évaluation à mi-parcours du programme Leader sur le territoire du GAL des 3 Sources, ces jeunes gens, dignes représentants d’une génération qui est arrivée trop tard pour regarder l’intégralité de l’Agence Tous Risques, ne reculaient devant rien et réalisaient des prouesses physiques dans des conditions météorologiques extrêmement difficiles.

 

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Passés maîtres dans l’art du camouflage en haute montagne, ils ne tardèrent pas à se fondre dans le décor pour surprendre au maximum les preneurs d’otage, qui s’étaient quant à eux réfugiés dans un couvent labyrinthique dans le but d’égarer les fous prenant le risque insensé de s’y aventurer.

 

Plus d’une fois, suite aux difficultés d’approche et en raison de la présence hostile d’une troupe de théâtre invitant les badauds dans des pièges habilement tendus à coups de filage et de pot-au-feu, l’ensemble de l’équipe fut-elle en proie au doute.

 

 

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Car les conditions en altitude sont particulièrement rudes. Ainsi situé la foi devient indispensable à la poursuite de la mission. Il ne faut plus regarder en bas.

 

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Plus d’une fois, une partie des effectifs fût prise du désir de fuir le vertige lié aux paysages désertiques de la montagne ardéchoise et de retrouver au plus vite le plat pays où le V’Lille permet si rapidement d’arriver au Poste et d’y boire quelques breuvages réconfortants, à la différence des boissons bas de gamme, ersatz de bières, avec lesquelles ils eurent à composer lors du week-end.

 

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Mais par rapport aux sœurs, notre équipe avait un avantage hors du commun. Fervent adeptes du culte du Soleil, nos amis recouraient régulièrement à la méditation pour reprendre des forces. Nourris des rayons d’un astre généreux, ils pouvaient ainsi acquérir la sagesse nécessaire pour déjouer les embûches et éviter les chausse-trappes.

 

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Aussi notre troupe réussit-elle finalement, par une ruse subtile, à me secourir. Arrivés à Borne par le chemin des écoliers, ils firent sonner les cloches de l’église pour attirer les sœurs à la messe. Or, la route est extrêmement longue et s’apparente parfois au chemin de croix !

 

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Contournant la grand’route qui sépare les deux villages en empruntant, totalement invisibles, la bruyère la plus touffue, nos amis parvinrent à rejoindre Saint-Etienne-de-Lugdarès !

 

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C’est ainsi qu’ils purent « libérer ! Leur ! Camarade ! » à la plus grande joie de tous ! Cet exploit réalisé, chacun put dire au revoir au soleil couchant dans un enthousiasme débridé (ou un rhume débridé).

 

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Et cette fin est assurément très heureuse, car le combat anti-clérical pour nombre d’entre eux se poursuit ! Certains avaient rendez-vous ce dimanche 18 mars place de la Bastille, où l’ensemble des révolutionnaires de leur trempe (plus quelque uns moins audacieux, il faut bien l’avouer) avait prévu de se retrouver pour initier ce qui va probablement devenir un des plus grands événements historiques contemporains, en redonnant aux cœurs meurtris par la chute du Mur de Berlin l’espoir nouveau d’un monde meilleur !

 

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Bien à vous.

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